Solaris

Solaris, Stanislas Lem - Un balcon en forêt, Julien Gracq – Choir, Eric Chevillard – Le désert des tartares, Dino Buzzati - L’invention de Morel, Adolfo Bioy Casares - Le rivage des Syrtes, Julien Gracq - Chroniques martiennes, Ray Bradbury… et combien d’autres encore ?

L’attente… l’attente… mais l’attente de quoi ?

Nous cherchions dans l’accumulation des livres, à l’horizon, dans la lumière toujours changeante, le ressac, un fil, une ouverture, quelque chose à quoi nous raccrocher, un sens à tout cela… mais depuis quand étions-nous là ?

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La digue en été : en plan large, c’est un lieu « touristique » d’une grande banalité photographique. Mais à y regarder de plus près, on y remarque des comportements humains d’une véritable étrangeté et d’une fausse légèreté. Une activité bizarre s’y déploie, une agitation contemplative : passer, repasser, s’arrêter souvent, regarder, repartir, aller et venir.

Progressivement, là sur la digue, avec les autres, on tisse des histoires, on met du sens, on tend un fil narratif là où au départ on ne voyait qu’une grande agitation, un bric à brac d’images et de sensations. On tente d’écrire entre les lignes : la ligne d’horizon, la ligne de digue qui sépare terre et mer ou terre et plage selon les marées, la ligne toujours changeante entre la mer et le ciel, entre la terre et la mer. Connaissez-vous cette notion en philosophie que l’on appelle l’’horizon d’attente ? Notre interprétation du passé influence la façon dont nous envisageons le futur et les buts que nous fixons au présent. Le futur éclairé par notre lecture présente du passé définit l’amplitude de notre "'horizon d'attente".

Plus je photographiais la digue, plus le livre de Stanislas Lem, Solaris, me revenait en mémoire… Des astronautes découvrent une présence exta-terrestre - une mer immense - sur la planète Solaris. Ils tentent d’entrer en contact avec elle, mais ils sont inexorablement renvoyés à leur propre existence, à leurs souvenirs, à la question et au constat du sens même de leur vie.

D’autres livres ont également gravité autour de ces photos, comme ceux de Julien Gracq, Choir d’Eric Chevillard, La jetée de Chris Marker (qui n’est pas un livre), la poésie de Jean-Michel Maulpoix et Ludovic de Groote,… Il y a aussi le livre de Kenzaburo Oé, Dites-nous comment survivre à notre folie, qui se trouve là sur la digue…

Dans la lecture des livres, comme dans le regard porté à l’horizon, comme dans la répétition de l’acte photographique, c’est toujours la même chose que l’individu recherche : cette part d’insatisfaction, le sentiment du manque et de l’incomplétude, l’attente de quelque chose.

P.H.